L'amour n'est jamais "payé en retour", toujours asymétrique, sinon ça ne serait pas de l'amour, mais aussi toujours réciproque, aussi sûr que la respiration n'existe que lorsqu'il y a de l'air.
L'amour est toujours vrai et toujours réel. Donc ce n'est pas la peine de préciser ou de le qualifier, comme on aime le faire, de "vrai" ou de "véritable", car il est toujours absolument vrai et aussi réel que la terre qui porte nos pas.
La seule chose qui n'existe pas vraiment, pas complètement ou pas encore, c'est le langage de l'amour. Ce n'est même pas la peine de préciser "notre amour est tellement extraordinaire que le langage pour lui donner corps n'existe pas encore", car à la vérité cela est vrai de tous les amours et cette incompétence des mots est la chose la plus ordinaire, cela pourrait même être une des définitions possibles de l'amour.
C'est pour cela que l'amour est suprêmement intelligent, il comprend tout d'avance, et en même temps a toujours l'air bête. Un amour qui aurait l'air intelligent est impossible. C'est cela le coeur de l'érotisme, et de la modestie qui a besoin d'être respectée, cette nudité de l'intelligence sans langage, sans corps. On la devine, on sait qu'elle est nue, et on fait semblant de ne pas la remarquer. Ce respect de la modestie est l'amour de l'amour, et c'est le vrai érotisme.
Donner corps à l'amour, lui trouver son langage, est l'œuvre de la vie de chacun de nous. Ce langage est ce que nous sommes, chacun de nous, entièrement individuel et entièrement relié aux autres hommes, grâce aux dieux.
Le miracle du dialogue entre les hommes et les dieux, c'est que même lorsque ce langage n'existe pas encore, et de loin ! Que nous souffrons dans les balbutiements et le bégaiement, l'amour a le droit d'exister tout de même, il nous est accordé, comme une promesse que le chemin est ouvert, que nous parviendrons à trouver son langage. Car Dieu est modeste. Il nous habille.
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