Le 25 septembre 2019, une femme a été condamnée à Paris pour
diffamation envers un homme qu'elle accusait publiquement de harcèlement
sexuel. Le tribunal a estimé que les faits, sur lesquels l'homme et la femme
sont d'accord, ne constituent pas du harcèlement sexuel.
Il y a un goût de défaite dans cette victoire. Car ce que l'homme
reproche vraiment à la femme, c'est moins son accusation, dont la crudité, après tout, n'était
que consécutive à celle de ses propres propos, que les conséquences de cet échange maladroit.
Elles furent dévastatrices. L'homme a perdu tous ses
clients, sa compagne, et la femme elle-même reconnait avoir été dépassée par
les conséquences, au point qu'elle s'est mise, pour y faire face, "en mode
robot". Comme s'il y avait deux victimes. Mais deux victimes innocentes.
Cette homme et cette femme sont les premiers innocents de cette affaire.
Au fond, si les mots que l'homme a prononcés ne constituent
pas un délit, pourquoi les écrits de la femme, leur faisant écho avec la même vulgarité,
en seraient-ils un?
C'est comme si ce procès s'était trompé de cible. La
femme n'a ni annulé les contrats de cet homme, ni encouragé sa compagne à le quitter, ni détruit
sa réputation auprès de ses enfants.
Qui a fait cela? La réponse se devine bien, mais est
difficile à formuler, et chacun doit se poser la question. Il faut essayer de parler,
de formuler.
La justice n'est capable que de condamner un individu pour
protéger la société. Elle est incapable de condamner la société pour protéger
un individu. Sinon elle se détruirait elle-même.
Cette contradiction révèle la superficialité de la société,
son incapacité à se fonder sur elle-même, révélée par la phrase de Machiavel, "Ce
n'est pas le titre qui honore l'homme, c'est l'homme qui honore le titre",
avec pour conséquence logique: "Ce n'est pas la société qui condamne
l'individu, mais l'individu qui la condamne". Ce genre de retournement n'est
pas rare, dans la littérature ou chez les brigands et héros célèbres de
l'histoire, Gandhi qui dicte à son juge la sentence qu'il va lui infliger, Edward
Snowden, qui nous conseille de "défendre la justice" au lieu d'espérer
qu'elle nous défende, ou Julian Assange, dont il est devenu de plus en plus
difficile de trouver, où que ce soit dans le monde, une défense ou un éloge publics, depuis son
emprisonnement pour avoir révélé de terribles crimes contemporains.
Ce qui nous mène à ces deux questions: Qu'est-ce qui mérite vraiment
d'être défendu? Et: Qu'est-ce qui est vraiment condamné ?
Dans tout jugement, n'est-ce pas la société à qui la peine est
infligée? Implacablement et aveuglément, se figurant l'infliger à un individu.
Nous devons inventer une nouvelle forme de justice, fondée
sur la personne, sur la force de l'individu. Elle existe déjà. Il nous faut des
oreilles fines pour l'écouter, là où elle jaillit, comme les crocus sous la neige.
Reconnaissons nos héros, aimons-les, et n'ayons pas peur de le devenir aussi, jour
après jour, humblement. Nous méritons mieux que la haine de twitter.
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